La création de l'entreprise
L’artisanat français du cycle et spécifiquement des bicyclettes de randonnées a connu trois « grands couturiers du cycle».; C'est ainsi qu'on les appela, en référence à leur savoir-faire, leur innovation et à la « classe » de leur production. Le premier d’entre eux fût Alex Singer- le seul dont la fabrication perdure à l’heure actuelle- puis vînt Jo Routens (un temps pilote de machine chez Singer) puis René Herse.
La Création
Alex Singer arriva dans les années 20 à Paris, avec son ami Jean Csuka depuis Budapest. Cycliste ayant déjà couru en Hongrie, il intégra le CSI puis Clignancourt Sportif ou il côtoya Charles Pélissier.
La réalité lui fit rapidement préférer le Cyclotourisme, mais ne trouvant pas de machine adaptée à son besoin il se lança dans la construction.
Après s’être initié à la fabrication de cadres chez un fabricant nommé Bianco, il s'installa « constructeur spécialiste » en 1938, au 53 de la rue Victor Hugo à Levallois-Perret, dans la proche banlieue parisienne. C'était un petit immeuble à un étage. En 1938, il en était locataire. La famille habitait au-dessus du magasin et de l'atelier. La devanture ne payait pas de mine.
Cette famille était élargie, après sa rencontre avec Maria Baumeyer dont les cousins et cousines tous d’origine Alsacienne, aidèrent au développement de l’affaire avec l’apport de compétence diverses. Charles Baumeyer et Paul Reymond (grand-père d’Olivier) qui étaient tous deux ajusteurs-outilleurs chez Renault, fabriquèrent le montage toujours utilisé de nos jours.
Le 53 rue Victor Hugo
En 1945, les locaux s'agrandirent d'un tiers par acquisition d'une partie mitoyenne. Depuis, la surface et la disposition des lieux sont restés les mêmes.
La boutique de vente occupe le tiers de la surface totale du rez-de-chaussée. Un petit bureau et une réserve de pièces détachées séparent la boutique des ateliers de montage et d'assemblage, qui occupent environ 60 m2. De 1938 à 1944, 3 ouvriers y travaillaient (un pour l'assemblage et le brasage des cadres, deux pour le montage et les réparations). Maria Singer s'occupait de la vente à la boutique et du secrétariat, Alex de la gestion et de l'atelier. Mais sa situation n'était pas simple. En effet, mobilisé en 1939, il avait participé à la bataille de Dunkerque; il avait pu se tirer de ce mauvais pas. Mais il fut fait prisonnier sur la Loire. Après deux jours de captivité, il réussit à s'échapper. Il rentra à Paris, et mena une existence semi-clandestine pendant toute l'occupation allemande.
Après la guerre, il passait beaucoup de temps à courir les grossistes en quête de matériel, à cause des restrictions. On construisait alors 80 à 110 vélos par an. En novembre 1944, Alex embaucha comme apprentis ses deux petits-neveux par alliance Roland et Ernest Csuka.
Roland pris en charge la fabrication des cadres et Ernest le montage. A cette époque, l'apprentissage était rude et les journées longues: 10 heures par jour, 6 jours par semaine.
Pendant les périodes de « bourre », la journée finissait tard dans la nuit. A cette école, les deux frères, qui étaient adroits, pas sots et pas fainéants, devinrent ouvriers au bout d'un an à peine.
Le dimanche, ils roulaient avec ces cyclotouristes pour lesquels ils travaillaient la semaine durant. Ernest, bon cycliste, participait aux Poly et fit un Tour de France dit cyclotouriste où il brilla.
Léone Reymond, Nièce de Maria Singer, débuta dans les années 1950 au secrétariat et à la vente. En 1950, elle se maria avec Ernest. En tandem, ils formèrent une redoutable paire. En 1951, Léone remporta la Polymultipliée à Chanteloup.
De sorte que la simple satisfaction du travail bien fait devint une passion discrète mais ferme pour la construction des belles bicyclettes.
« Pour faire ce métier, dit Ernest, il faut être cycliste. » Bien que l'un et l'autre soient polyvalents, Ernest se spécialisa dans le montage et la petite fabrication, et Roland devint un expert du chalumeau.