FLECHE VELOCIO 2011
La Fléche Vélocio 2011 est devenue souvenir, mais il n'est pas trop tard pour en dire quelques mots à usage des connaisseurs. J'ai promis à l'ACBO, avec qui j'ai partagé ces 24 heures, un compte-rendu pour leur site ; voila mes impressions, encore à chaud dès le retour à la maison.
Donc il a fait chaud en ce vendredi de Pâques, qui nous vit quitter St Aubin (Aube, à 5 km de Nogent/Seine) à 12h00. Nous, c'était Victor (27 ans), Sina son amie (33 ans), Bruno (43 ans), Alain dit Pépé (59 ans) et ma pomme (62 ans). Je n'étais plus partant pour la Flèche après la météo démoralisante de 2010, mais Victor avait attaqué dès janvier à la boutique Singer : "on est quatre, mais tous néophytes dans la Flèche, il nous faut un capitaine expérimenté, et patati et patata..." et j'avais cédé, finalement heureux de faire partager à la relève ce qu'une dizaine de Flèches m'avait enseigné. Ils avaient promis de ne pas traîner aux arrêts, de rouler soutenu mais sans à-coups, et surtout de faire une Flèche de l'amitié... et ils ont tenu parole. Et puis Ernest CSUKA, là haut nous regarderait sûrement; il ne faudrait pas le décevoir.
Bref l'affaire s’était bien engagée, et le brevet du 300 de Longjumeau que nous avions bouclé ensemble l'avait confirmé, tout en soulignant ce qu’il fallait améliorer. C'était jouable. En capitaine sérieux j'avais dressé le parcours et envoyé les engagements à Michèle HUGON. Elle avait fixé les contrôles sur la base de 563 km (La Voulte) avec une marge de manœuvre de 20%, soit un minimum de 454 (Givors) et un maximum de 669 (l'hôtel retenu à St Hilaire d'Ozilhan, dans le Gard). J'avais poussé la conscience professionnelle jusqu'à reconnaître le début du parcours, une semaine avant. Cela avait été l'occasion de rencontrer Madame l'adjointe au Maire de St Aubin et de lui expliquer ce que nous voulions faire : descendre en 24 heures de son charmant village des bords de Seine jusqu'au fameux Pont du Gard, le tout sans dormir et pédales aux pieds. Du coup elle avait décidé de convoquer la Presse, et c'est sous les flashes de "L'Est-Eclair" que nous sommes partis. Dans une telle expédition, la logistique est fondamentale et deux hommes l'ont parfaitement assurée : Jean-Claude MARGRY qui me convoya avec les cinq vélos jusqu'au départ, et Gilles DECOUARD, le père de Victor, qui achemina le reste de la troupe, puis tout au long du parcours assura notre assistance-ravitaillement. Encore merci à eux deux, ils furent en tous points parfaits.
Bref, la route rugueuse qui nous expédie vers Troyes est sous nos roues, le vent légèrement contraire, le soleil d'Austerlitz au rendez-vous et les jeunes s'en vont, la fleur au fusil. Les soi-disant "néophytes" de Victor sont tout, sauf des débutants : ils savent rouler parfaitement en ligne, pas un écart, toujours un regard pour voir si ça suit et le bonheur un peu inconscient de se lancer vers l'inconnu. L'inconvénient de ce parcours est que le début est le plus désagréable, mais j'avais prévenu et la bretelle de contournement de Troyes est avalée sans broncher en serrant les fesses. Beaucoup de poids lourds jusqu'à Bar-sur-Seine qu'il faut s'habituer à côtoyer. Enfin arrive le contrôle des Riceys (km 93) et un certain retour au calme côté circulation. Il était temps. On fait un premier bilan : le vent est léger, mais de trois quart face, le soleil marque les épidermes, il fait soif et l'allure autour des 30 km/h nous donne un peu d'avance, mais aussi entame les réserves. Je pointe en vitesse, on remplit les bidons et en moins de 10 minutes c'est reparti.
Reparti, mais mal reparti après Laignes, où je me laisse bêtement attirer par le panneau Montbard et commets une erreur de parcours. C'est nouveau, après trois Flèches sur ce même parcours sans erreur, du moins à cet endroit ! On ne gagne rien en kilomètres mais on se tape quelques bosses complètement inutiles sur la D5, avant de retrouver le parcours exact à Montbard. Moral atteint, je suis dans une mauvaise passe, et les jeunots abritent soigneusement leur capitaine. La montée de Sombernon (km 200) se profile et je m'aperçois que Sina aussi est un peu en déconfiture. On monte doucement vers ce haut lieu stratégique, ce lieu où de deux choses l'une : ça passe et l'on bascule en triomphe vers Dijon, ou ça casse et l'on bascule tout morose vers l'abandon. Pour éviter la deuxième hypothèse, je me fâche un peu en disant qu'il n'en est question pour personne, et que l'on va calmement se refaire, quitte à rester dix minutes de plus.
Ce sera le seul moment de tension du parcours. Mais Sina retrouve le moral. Elle est jeune et en connaîtra d'autres des passages à vide dans sa vie de randonneuse... C'est tout simplement ça, la Flèche Vélocio, l’amitié qui surmonte les « coups de latte », comme dit élégamment Victor.
Dijon n'est déjà plus qu'un petit point derrière nous et l'on file dans le jour qui meurt sur la route des grands crus : Nuits St Georges, Beaune... C'est une caractéristique de la route nocturne : impression de rouler vite alors que l'on dépasse à peine le 26 km/h. Mais le compteur n'est pas éclairé, avec les dix vitesses à l'arrière on ne sait plus trop sur quel braquet l'on est, et puis avec la nuit la pénétration dans l'air semble un peu meilleure. Mais la réalité est cruelle et la moyenne qui flirtait avec le 30 descend, descend.
J'en profite pour décrire un peu mes quatre lascars :
Elégant et haut perché sur sa magnifique randonneuse Singer, un « caresseur de pédales », je vous dis, c'est Bruno. Superbe jeu de chevilles et toujours d'humeur égale, il va se balader et résistera à son seul ennemi, le sommeil. Il a fait ses derniers entraînements avec le RC Anjou de Jean-Claude CHABIRAND, une référence!
Beaucoup plus petit, vélo de course Singer rutilant et chromé, toujours attentif à bien abriter, un chamois dès que ça monte un poil, c'est Pépé. Son seul ennemi c'est le mal de selle. Il le combat avec force pommades et un double cuissard. Il est la sagesse, et fait totalement confiance pour ce qui est du parcours. Pur produit de l'école Singer.
Des mollets comme mes cuisses, des cuisses comme un tronc d'arbre, sans arrêt à gigoter sur sa selle. Des kilomètres dans le vent, mais en respectant parfaitement la consigne de rouler régulièrement, c'est Victor. Un moral d'enfer, un dynamisme parfois brouillon mais efficace, c'est un coureur qui devient randonneur. Laissons lui encore un peu de temps. Il a le potentiel de rouler beaucoup plus vite, mais son cœur bat pour Sina, alors il se calme...
Sina enfin c'est notre sourire féminin, mais pas seulement. Un sacré coup de pédale dans les faux-plats montants où elle promène sa randonneuse Singer, comme d'autres leurs hauts talons. Peut-être une tendance à consommer un peu trop (de l'eau exclusivement), et encore un peu tendre lorsqu'un grain de sable perturbe la machine; elle apprend vite. C'est déjà une super-nana. Son sourire éclatant à l'arrivée sera une magnifique récompense.
Bon, on n'y est pas encore à l'arrivée, et il est temps de pointer à Chalon (km 299) avant minuit, et de ne pas s'y perdre comme cela est arrivé dans le passé. Papa Gilles a organisé le ravito, encore une fois parfaitement bien situé. Il déplie la table, sert chacun, remplit les bidons, vide les poubelles, veille à tout, c'est le digne père de son fils. Le contrôle suivant étant à plus de 150 bornes, on décidera que la prochaine pause sera Villefranche (km 394).
J'ai oublié de dire deux mots de celui qui a la responsabilité du parcours et le titre pompeux de capitaine. Diesel de chez diesel, du genre à 28 ça va, à 29 ça coince. Adore rouler la nuit, à cause de la fraîcheur. Ne s'ennuie jamais sur sa bécane. C'est un vélo Fisher Price en plastique comme disent les Singer Boys, mais pour 24 heures - ce qui est très court - son Time lui convient de plus en plus. C'est un randonneur qui devient coureur (hum !!), mais rassurez-vous, il n'en aura pas le temps...
Rien à signaler à part les vagues de sommeil qui frappent, plus les jeunots que les anciens. Et vogue le petit groupe vers le sud. Une équipe du Métro qui nous avait en point de mire depuis longtemps se décide à "visser" et nous passe. La Flèche Vélocio et l'US Métro c'est une histoire qui remonte pratiquement aux origines (1947) sans interruption. Ils vont cette année signer la meilleure performance, pour la 24ième fois en 65 éditions. Le fait qu'ils aient, avec toute leur culture du sujet, choisi le même parcours confirme que notre choix est le bon.
La traversée de Lyon dans la nuit finissante est une formalité et à Givors (km 454), pause petit-déjeuner à 6h00. Une carte postale pour Michèle HUGON, un café bouillant pour se réveiller; il reste de la route. Pas de temps à perdre. C'est là que commencent les calculs à la Victor, conseillé au téléphone par son Directeur Sportif. Le très ancien record de l'ACBO avec André BOCQUEL, Armand CROIX, Daniel DAMELINCOURT et Camille BARDET est, paraît-il, de 613 bornes. Et le défi serait de l'améliorer. « Euh, t'es sûr que c'est indispensable ? » Après tout, pourquoi pas ? Tout le monde adhère. « Des fous, je suis avec des fous... », mais c'est si bien de s’offrir encore quelques folies. Et l'on "visse" un peu plus, comme disent les coureurs, mais sans se démolir. La flamme rouge est encore loin, et il ne faudrait pas faire exploser le fragile équilibre.
On gère proprement en remplissant les poches pour ne plus s'arrêter jusqu'à midi qui sera la 24 ième heure. La 22 ième aura été à La Voulte (km 563) où Victor s'occupe de pointer les cartes pour ne pas nous ralentir. Route plate et facile (la N86, que l'on a préférée à la N7), vent trois quart arrière plutôt favorable et le tour sera joué. On posera pied à terre, en même temps que tomberont les premières gouttes de pluie, à Bourg Saint Andéol et le compteur s'arrêtera cette fois définitivement sur 619 bornes. Mission accomplie, bravo à tous et félicitations d'Olivier qui vient nous chercher. Il est ému le patron des Cycles Singer, c'est le grand retour de son club dans la Flèche Vélocio, et je parie que c'est pour longtemps.
Le lendemain dans la cohue sympathique de Laudun l'Ardoise où tous se retrouvent, on aura quelques nouvelles des autres équipes. Les trois ASPTT, Edouard, Noël et Patrick, qui roulaient avec l'ACP (Yves LANOË et Jean-Pierre LE PORT) ont rempli leur contrat de 455 km, avec un dénivelé égal à celui de la Marmotte (4200 mètres environ). Bravo à eux !
Sous toute réserve : US Métro 1 = 711 km; ACP (tandem Faburel + Métro) = 649 km; US Métro 2 = 627 km; ACBO (la bande des quatre + un ASPTT) = 619 km ; CT Maurepas = 607 km ; Mozac CC = 589 km ; GC Langeac = 564 km ; CSC Château-Thierry = 555 km ; US Métro 3 = 541 km ; GS Ajoie-Porrentruy Suisse = 527 km ; ASCVEC = 511 km ...
Le 8 avril 2012, Pâques en Provence sera dans le Luberon à Grambois. Qu’on se le dise…
Alain COLLONGUES
ASPTT PARIS